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Sex Education

Photo du rédacteur: Olivier M.Olivier M.

Après une première saison à la prémisse accrocheuse : un « problème de la semaine » dans l’univers de la comédie adolescente centrée sur la complexe découverte de la sexualité à l’âge de la puberté, la nouvelle saison abandonne plus ou moins cette structure fiable (en admettant que c’était ridicule en premier lieu) pour agrandir ses ambitions et devenir bien plus. Après cette deuxième saison du tonnerre, je suis prêt à y octroyer, officiellement, le plus haut compliment que je puisse donner à n’importe quelle récit télévisuel existant :


SEX EDUCATION est un digne successeur à FREAKS & GEEKS.


Tout d’abord, je dois mettre au clair que FREAKS & GEEKS est l’un de mes objets culturels favoris - toutes catégories confondues. Les 18 épisodes de son unique saison sont en rotation annuelle dans mon appartement depuis assez longtemps que j’en ai perdu le compte. Chacune des heures produites m’émeut aux larmes dans sa sincérité émotionnelle - sa capacité à aller au cœur des enjeux touchés, sans détourner le regard lorsque les choses deviennent difficiles.


La comparaison en surface est évidente : télé-série située dans une école secondaire, à propos des problèmes des jeunes, scolaires ou familiaux, avec un large éventail de personnages, qui mélange le comique et le dramatique, parfois dans la même scène. Par contre, la comparaison peut être poussée plus loin, puisque SEX EDUCATION et FREAK & GEEKS, créées respectivement par Laurie Nunn et Paul Feig, se rejoignent non-seulement dans leurs sujets, mais dans cette approche à ces sujets.

Tout d’abord, les deux séries refusent de catégoriser qui que ce soit de vilains. Il y a évidemment des antagonistes, des relations tendues ou des individus qui en blessent d’autres, mais chacun, des protagonistes aux personnages les plus secondaires (certains diraient même tertaires) se voient observé d’un regard empathique et représenté avec grande humanité. Elle n’est pas toujours belle ou glorieuse, mais elle est là. Il y a ce regard réaliste d’un monde où personne n’est méchant, gentil, bon ou mauvais, tous sont simplement et font de leurs mieux avec les outils qu’ils ont entre les mains. Cette phrase, chaque fois écrite, semble être une évidence, mais si peu de récits arrivent à cette simple réalité, ou se donne le temps de la confronter. Il y a un contre-exemple évident à cette règle dans la saison 2, mais nous y reviendront plus tard.


L’écosystème d’une école secondaire est vaste et complexe, puisque relié aux étudiants sont les parents et les enseignants – sur lesquels la seconde saison de SEX EDUCATION se permet encore plus de s’attarder. L’immense éventail de personnages avec lesquels cette saison jongle ne peut qu’impressionner, puisque aucun n’est laissé pour compte et on ne sent jamais que l’arrivée des nouveaux, auxquels on s’attache rapidement, brime la place qu’occupent ceux déjà si chers à nos cœurs. Cette richesse de personnalités permet de créer des combinaisons inusitées et toutes aussi satisfaisantes les unes que les autres.


L’autre point de comparaison entre les deux séries peut se résumer à une simple expression familière : y’en aura pas d’facile. C’est une approche classique à la scénarisation, qu’un auteur connaît la différence entre ce que son personnage veut vs. ce dont il a besoin, mais une que les deux séries maîtrisent avec brio. Les personnages sont à la poursuite de ce qu’ils croient vouloir, pour que le chemin difficile les mènent à ce dont ils ont besoin, ce qui leur permet de prendre conscience de ce qu’ils veulent réellement – généralement de l’amour, de l’affection ou de l’amitié. Des choses toutes simples, mais complexifiées par notre réalité d’être des individus sociaux, avec tout les malaises, malentendus, angoisses et doutes que cela entraîne. En évitant les gratifications évidentes et faciles, on en arrive à des moments de catharsis beaucoup plus satisfaisants et mérités. Et pour toute la discussion autour du traitement de la sexualité, il y a une véritable force dramatique cette saison retrouvée au sein des amitiés platoniques qui y fleurissent.

Par contre, tandis que FREAKS & GEEKS visait (et à réussi !) à offrir un regard réaliste sur la réalité adolescente, les contraintes télévisuelles de l’époque l’empêchait de réellement confronter un aspect non-négligeable de la vie à cet âge – la sexualité. C’est sur cette thématique que SEX EDUCATION, (sans surprise, c’est directement là dans le titre !), redouble les efforts. Cette confrontation jouissive avec des sujets trop peu discutés permet de les apprécier dans toute leur splendeur, vulnérabilité, malaise, humour, sérieux et surtout humanité. Comme la mort, la sexualité fait parti de la vie puisqu’elle est littéralement le seul moyen de propager la vie… elle fait aussi autant parti de nos vies à un niveau intime et personnel que public et social.

Cette confrontation des tabous en arrive à un point culminant grandiose lorsque la personnification du patriarcat (notre fameux contre-exemple) interrompt une performance théâtrale d’un des plus grands récits de la langue anglaise (Roméo & Juliette, « a play about horny teenagers », mais revisitée sous la direction d’une adolescente aux fantasmes manga-esque pleinement assumés). Il s’approprie la parole pour condamner le tout (la pièce et… la série dans laquelle elle existe), désignant le sujet de « filth », et blâmant tout les problèmes de sa vie sur une femme qui ose parler de ces sujets ouvertement - tandis que lui fuit et cherche à ignorer la sexualité et, par extension, la vulnérabilité émotionnelle, comme la peste. Cet homme, représentation de tout ce qui est répression, silence et fermeture, s’accroche avec l’énergie d’un mourant au bord de la noyade à sa position de pouvoir dans un monde qui n’a plus de place pour lui. Évidemment, il ne trouve aucun appui dans un monde moderne et se voit discrètement mis de côté. Il est facile de le représenter comme un ennemi pur et dur, mais toute la saison a pris la peine de souligner son isolement et sa solitude, qui le réduisent à un niveau de maturité inférieur aux adolescents qu’il doit superviser.


Il sera excitant de découvrir l’environnement d’une troisième saison libéré de la présence étouffante de cette figure d’autorité… quoi que je vois difficilement cette série être plus grandiose, libérée et en extase que le Roméo & Juliette qui clôt la saison (« Dick hands, enter! »). Quoi qu’il arrive, on sait que le chemin du bonheur et de l’acceptation de soi n’est et ne sera jamais facile, mais que tous y ont leur place et il faut avoir confiance que SEX EDUCATION en est plus conscient que quiconque.

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