Directeur : Paul Thomas Anderson
Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=xNsiQMeSvMk
Synopsis : Les aléas d'une relation entre un fameux couturier du Londres des années 50 et sa muse.
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Le cinéma de Paul Thomas Anderson est toujours rempli à craquer, sans pour autant être confus ou incohérent. Il garni ses films de tant de personnages, thèmes, détails historiques et intrigues qu’ils deviennent des portraits complets de périodes, en plus d’être des récits dramatiques si près de leurs personnages. Phantom Thread se situe très bien dans cette lignée, mais se révèle être le plus concentré sur un thème central qui se dévoile à travers un trio de personnage et leurs relations.
Prenant place dans le monde de la mode londonienne des années 50, Anderson amène à son film cette habituelle attention aux détails qui rend l’expérience immersive comme peu d’autres cinéastes. On nous permet ainsi d’apprendre à notre insu le processus de création des robes et autres détails mondains du quotidien des personnages. Tout est présenté avec une telle discrétion et subtilité qu’avant même d’en avoir conscience, nous connaissons par cœur les habitudes de Reynolds Woodcock (Day-Lewis). Tourné sur pellicule, le grain de l’image ajoute ce degré d’authenticité, surtout lors d’une expérience aussi minutieusement calculée que celle-ci.
À travers ce récit « historique », PTA met de l’avant un sujet qui n’est que trop d’actualité - un récit de pouvoir, d’abus, de génie autour d’un adulte qui a conservé les pires traits de son enfance. Les puissants génies de ce monde ont la réputation d’être « difficiles », mais nous sommes socialement prêts à accepter un certain niveau d’abus et d’irrationnalité de la part de ces grands hommes s’ils arrivent, en échange, à nous offrir The Birds ou un nouvel iPhone ou Mac. Cela implique toutefois un coût, trop souvent payé par ceux qui entourent ces « génies » – thèmes similaires explorés récemment par Darren Aronofsky dans mother!. Par contre, Phantom Thread, subversif et malin, est insatisfait de nous raconter une simple histoire abuseur-victime et utilise ce contexte pour aller plus loin.
Sans trop en dévoiler, il permet à cette relation d’évoluer et aux personnages de s’y adapter pour créer une résolution qui donne froid dans le dos. Dès les premières scènes, il y a une aire de tension qui règne sur ce film, au cœur de cette maison réglée au quart de tour pour satisfaire un homme-enfant colérique. Cette tension ne nous quitte jamais vraiment et, ainsi, PTA débute dans le drame romantique pour savamment faire la transition vers un thriller psychologique. Sans être désaxante ou choquante, cette progression se scie parfaitement au thème et permet de réellement comprendre et identifier une réalité qui en viendrait à cet équilibre.
Cette dynamique est exécutée à merveille par les acteurs. Évidemment, Daniel Day-Lewis est bon et s’immerge dans le rôle sans relâchement, mais ses co-vedettes, Vicky Krieps et Lesley Manville, méritent autant d’éloges et d’attentions, sinon plus. Une grande partie de leurs personnages, relations aux autres et évolutions prend place dans le non-dit. Leurs regards et attitudes guident ce récit avec ardeur et elles arrivent à occuper un espace considérable dans un film qu’elles doivent partager avec Daniel Day-Lewis. C’est entre autres leurs performances qui s’assurent que l’on parle d’un film centré autour d’un trio de personnage et non juste de Daniel Day-Lewis et des deux femmes qui le côtoient.
Après les ambitieux et plus difficilement accessible The Master et Inherent Vice, PTA nous revient avec un film beaucoup plus intime et centré sur son sujet. De plus, considérant les éléments de thrillers qui relèvent parfois du cinéma d’horreur, nous avons aussi probablement affaire à son film le plus près du cinéma de genre! Il est toujours agréable de voir un cinéaste aussi important qu’Anderson continuer d’avancer et de se réinventer avec chaque film, construisant une des filmographies les plus diversifiées et solides du cinéma américain.
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