Réalisateur : Alex Garland
Bande-annonce (déconseillée, trop révélatrice) : https://www.youtube.com/watch?v=sAjdPKwoY7g
Synopsis : un groupe de cinq scientifiques part en mission d’exploration au cœur d’une étrange « zone de scintillement », possiblement extraterrestre, qui émane d’un météore et prend constamment de l’ampleur, menaçant d’englober la planète entière. Tout est inconnu au cœur de ce territoire et personne n’est revenu vivant de cette expédition, sauf un homme très mal en point.
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Après son solide et concis Ex Machina (une joute à trois en huis clos), Alex Garland est de retour avec un film beaucoup plus ambitieux et tout aussi excitant. Avec comme base le roman de Jeff VanderMeer, il crée un récit de science-fiction qui mise surtout sur son concept et ses personnages pour alimenter notre intérêt et curiosité. À travers une lente expédition forte en dialogues, en découvertes incongrues et en révélations dérangeantes, ponctuée de quelques moments de tensions réussis, le tout enrobé d'une ambiance angoissante, Garland nous fait plonger au coeur du premier grand film de science-fiction de 2018.
L’ensemble de l’entreprise offre une science-fiction à l’approche très classique, plus lente, ancrée dans une rencontre entre la science et l’inconnu qui alimente un mystère ou chaque nouvel indice ne fait que soulever plus de questions. De plus, le tout est généralement lisible sur deux niveaux, une surface – l’intrigue de base, le synopsis, et en dessous de cache une lecture ancrée dans l’état de ses personnages, une métaphore pour un thème plus complexe et humain. Dans ce cas-ci, sans trop en révéler, les cinq scientifiques qui se sont portés volontaires pour cette expédition partagent une cicatrice émotionnelle (toutes causées par des raisons différentes). Elles entrent ensuite dans un écosystème ou leurs sens les trahissent et les lois fondamentales de leurs champs d'expertise respectifs semblent réécrites. Ainsi, en utilisant un concept poussé de science-fiction, le scénario nous place dans une perspective précise et nous permet ainsi de comprendre leur état d’esprit.
Les dialogues explicatifs de cesdits états sont parfois un peu trop appuyés et explicites, mais sont mis entre les mains de tant d’actrices talentueuses qu’ils passent généralement bien. Nathalie Portman mène toute l’équipe avec une performance qui nous rappelle pourquoi elle a obtenu un oscar pour son jeu il y a maintenant 8 ans, avec autant de détermination et d’intelligence que de vulnérabilité. Se joignent à elle la toujours féroce et fiable Jennifer Jason Leigh (dans une impressionnante lancée de carrière après The Hateful Eight, Anomalisa, Good Time et Twin Peaks : The Return), Gina Rodriguez qui démontre l’éventail de son jeu en tant que la plus agressive, mais fragile du lot, Tuva Novotny au rôle le moins substantiel, mais qui laisse quand même sa trace et l’étoile montante Tessa Thompson, dans un de ses rôles les plus réservés, mais marquant, qui démontre qu’il n’y a rien que cette actrice ne peut pas faire. Oscar Isaac fait aussi acte de présence, avec seulement quelques scènes qui arrivent quand même à nous donner un personnage complet.
Pour terminer, dans cette excellente tradition du cinéma de science-fiction, le mystère d’ANNIHILATION culmine en une vingtaine de minutes sans dialogues, avec une musique oppressante, des visuels époustouflants et une séquence incertaine et complètement envoutante qui démontre la grande assurance et le contrôle de Garland. Cette étrange danse finale qu’entreprend le film avec son public, au cours de laquelle il nous offre constamment des petits indices, et nous demande simplement de le suivre, vient à la fois parfaitement s’agencer avec le reste du film et nous emmène dans une expérience sensitive complètement différente. C’est une finale qu’il faut voir pour croire, et encore mieux, voir sur grand écran avec un système de son retentissant.
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